Si l’on entend souvent parler des FinTech, ces startups orientées technique et finance qui font trembler les banques, le domaine des assurances n’est pas en reste et connaît le même émoi. Les InsurTech ou AssurTech sont, à l’instar de ces jeunes pousses financières, des startups qui misent totalement sur de nouveaux usages et de nouvelles technologies pour révolutionner le marché de l’assurance. À l’inverse des assureurs traditionnels, ces nouvelles sociétés font fi d’un existant, et partent ex nihilo dans un contexte technique où Cloud, Big Data, internet des objets et technologies récentes permettent d'offrir rapidement une pléthore de nouveaux services.
Le Cloud, par exemple, permet aux InsurTech, indépendamment de leur taille, de pouvoir mettre en œuvre une infrastructure technique dans un temps record avec des possibilités de mise à l’échelle inégalées. Il permet la création d’architectures techniques, des plus simples aux plus complexes, de façon souple et élastique ; ces architectures se dessinent en fonction des besoins clients, commerciaux, et se dimensionnent en fonction de la charge, en un temps record et pour des coûts maîtrisés.
Le Big Data, quant à lui, permet aux InsurTech la gestion d’un volume important de données, sans dégradation perceptible des performances des opérations d’insertions, mises à jour et suppressions unitaires dans les bases de données. À cela, il ajoute une panoplie de services de restitution, d’import, export, agrégation et analyse, ainsi que le machine learning, la capacité à faire un ordinateur apprendre dans l’optique d’effectuer des tâches diverses et variées, comme devenir prédictif de comportements clients pour leur proposer des produits adéquats, détecter des fraudes et minimiser le risque opérationnel, ou affiner sa segmentation clientèle et proposer des gammes de services encore plus ciblées.
L’Internet des Objets ou IoT, lui, désigne les objets connectés qui peuvent interagir avec leur environnement et envoyer toutes sortes de données en provenance de différents capteurs, ou consultables à la demande comme les puces RFID. Données de santé, traqueurs d’activités, informations sur l'état de différents organes mécaniques ou électroniques des véhicules, comportement routier du conducteur, monitoring ou surveillance d’habitation, d’entreprise, les InsurTech peuvent tout envisager pour révolutionner le marché.
Dans la même lignée, ces mêmes InsurTech peuvent s'appuyer sur les technologies récentes orientées digitalisation des services ou complètement novatrices dans leurs avancées : Blockchain, bots, intelligence artificielle, réalité virtuelle et augmentée, innovations en mobilité (voitures autonomes), dans les communications...
Ainsi, selon une étude du cabinet PwC de juin 2016, 90% des assureurs ont peur d’une baisse d’activité face à la hausse des investissements dans l’InsurTech, 48% craignent de perdre 20% de leurs activités au profit de ces startups dans les 5 ans à venir et 3 assureurs sur 4 s’attendent à une révolution en provenance des mêmes InsurTech pendant la même période.
Mais pourquoi tant d’engouement pour les InsurTech et de crainte chez les assurances traditionnelles ; qu’attendent ces dernières pour réagir ?
Linda Gharbi, responsable du pôle métier gestion au sein du service socles fonctionnel et décisionnel d'AG2R La Mondiale, nous éclaire sur le sujet. Les assurances font mieux que réagir, elles sont en réalité proactives dans le domaine. Elles sont les premières à mettre en exergue les InsurTech et à les présenter comme de nouveaux entrants potentiels à court ou moyen terme ; dès lors, elles les surveillent de près, s’en inspirent, s’en rapprochent, ou en incubent certaines.
Linda Gharbi nous explique, à juste titre, que les axes d'innovation des sociétés d'assurances traditionnelles sont assurément plus nombreux que ceux des InsurTech ; elles disposent notamment d’une structure et organisation existante, de richesses et compétences humaines expérimentées ainsi que d’un capital de données dormantes au sein des sociétés qui pourrait générer énormément de valeur si couplé au Big Data. En effet, la force d’une assurance n’est pas tant dans la donnée unitaire, celle qui est relative à un client précis, que dans l’agrégation, analyse de données existantes pour les interpréter, et leur donner un sens ; avec le machine learning, on peut aussi affiner les usages, faire du prédictif. En d'autres termes, on peut partir en quête de ces fameuses « smart data », ces données à haute valeur ajoutée au sein du « big data ».
En outre, les assurances traditionnelles n’ont pas peur des technologies utilisées par les InsurTech, elles en regorgent, Cloud, IoT ou Big Data peuvent ainsi faire partie du lot. La crainte des assurances traditionnelles se situe plutôt dans la vision, les approches et les processus d’innovation mis en oeuvre par les InsurTech ; autrement dit, ce qu'elles pourraient découvrir, et les leviers de croissance ou de domination marché qui pourraient en résulter.
En effet, jeunes pousses, les startups ont une approche disruptive ; elles cherchent à casser les conventions ; c’est leur vocation. Ces sociétés ne s’attaquent pas à la technique pour la technique, elles cherchent résolument de nouveaux usages, activités ou services qui seraient générateurs de valeur dans le domaine de l’assurance ; elles y emploient toutes leurs ressources financières et intellectuelles. Selon Linda Gharbi leurs processus d’innovation sont agiles et permettent une émulsion des idées pour un passage rapide du concept à la réalisation. Elles peuvent dès lors, en un temps record, devenir d’âpres concurrents ou des acteurs incontournables du marché, ubérisant le secteur et modifiant profondément le paysage des assurances.
Les possibilités d’action des InsurTech sont multiples, elles peuvent par exemple agir sur la désintermédiation, jouer sur la digitalisation des services, ou proposer de nouveaux types d’assurances basées sur des microservices, du crowdinsuring (assurance en économie collaborative, à l’image de KissKissBankBank ou Ulule. Les individus se couvrent entre eux) ou profiter de la blockchain pour proposer de nouveaux types de paiements.
L’innovation disruptive peut aussi se produire par de nouveaux services liés aux objets connectés. Dans le domaine de la santé par exemple, les montres, bracelets et autres balances, peuvent renvoyer de précieux indicateurs ou ratios de santé qui pourraient substantiellement modifier la prime à l’assurance des particuliers. Dans le monde de l’automobile, on voit les apports du PAYD (Pay As You Drive), la prime d’assurance dépendant du nombre de kilomètres, un boitier installé dans le véhicule permettant de relayer l’information. Mais on sait déjà faire mieux, comme juger le conducteur en fonction des accélérations, de sa vitesse, et identifier un comportement de conduite dangereux dans une zone donnée en corrélant les data aux autres usagers passés au même endroit. Dans tous ces cas, le contexte réglementaire est à prendre en compte, car se posent inéluctablement des questions de libertés individuelles et de confidentialité des données. Nonobstant ces questions, ce qui se joue en France ne se joue pas obligatoirement à l’étranger, en outre ce qui semble impossible aujourd’hui peut rapidement évoluer ; Uber et AirBnb sont des exemples criants.
Les InsurTech peuvent modifier la donne dans d’autres domaines de l’assurance. Elles peuvent par exemple s’orienter vers la prévention de risques et le monitoring d’habitation en incitant les propriétaires à équiper leurs maisons de toutes sortes de capteurs (contre le vol, chaudière, arrivée d’eau, etc.) tout en proposant un système de surveillance. Elles peuvent aussi investiguer les nouveaux canaux de communication qui ouvrent également la porte à de nouveaux services. Les InsurTech ne pensent pas seulement Twitter, Facebook ou consorts, elles réfléchissent déjà aux systèmes de Bots permettant à des intelligences artificielles de répondre aux questions ou agir pour les internautes.
Ainsi les InsurTech sont des sociétés de petite taille qu'il faut surveiller de près pour leurs capacités à innover rapidement et révolutionner le secteur. Mais les assurances traditionnelles sont sur les starting-blocks et ne comptent pas se laisser faire.