En route vers le meilleur des mondes
Nul besoin de don de prophétie pour entrevoir l'orientation résolument technique qui s'opère dans toutes les strates, domaines et fonctions sociétales. Sommes-nous en route vers le meilleur des mondes ?
Les annonces technologiques ne cessent de se succéder ; ainsi que les salons, meeting, conférences, keynotes et différents congrès.
Cette semaine, c'était le MWC 2015, le Mobile World Congress ; l'endroit où découvrir toutes les nouveautés afférentes à la mobilité. En vrac, le téléphone modulaire à composer soi-même de Google (projet Ara), les détails des nouveaux Samsung Galaxy S6 et S6 Edge, les nouveaux Microsoft Lumia (640 et 640XL), les nouveaux processeurs x3, x5 et X7 d’Intel à vocation des smartphones et tablettes, la montre Huawei Watch dont l'objectif annoncé est de concurrencer la montre Apple ; elle-même attendue pour fin Avril.
Le MWC c'est également l'annonce de nouvelles orientations ou prouesses technologiques. Le 1er prototype de smartphone circulaire (Monohm Runcible), la carte microSD de SanDisk de 200Go ou bien encore Ikea qui propose des meubles pour recharger téléphones et objets connectés compatibles, par simple contact grâce à de l’induction magnétique. Qualcomm, le célèbre fabriquant de processeurs, propose lui un capteur surpuissant, Sense ID 3D, capable de reconnaître par ultrason les empreintes d'une personne, ne craignant guère l'humidité des doigts tout en faisant fi de certains matériaux qu’il traverse allègrement. Il y a aussi Vive, le casque de réalité virtuelle né de l’association de HTC et de Valve. Sans oublier non plus Carlos Ghosn, le patron de Renault qui, profitant d'un détour vers le MWC, est venu parler de ses futurs voitures autonomes : Google et autre Apple qui sont déjà, ou vont, s'engouffrer dans le domaine n'ont qu'à bien se tenir.
Le MWC, ce sont des nouveautés à n'en plus finir et un engouement plus que fort de tous les acteurs pour le fameux internet des objets, plus connu sous le sigle IoT. Qu'ils soient fabricants comme ceux que nous avons précédemment cités, du domaine des télécom comme Orange, Deutsche Telekom, ATT ou bien des sites web de référence comme Facebook : tous s’affairent à ce nouveau créneau.
Network everywhere
Nous entrons progressivement dans une nouvelle ère où la technologie, sans cesse renouvelée, est centrale et où l’on entrevoit tous les avantages d’une interconnexion entre les machines, les objets et les individus.
Internet, devenu étendard du partage du savoir, se doit donc de devenir accessible de n’importe où. Et c’est bien en route. Entre les projets Google Loons s’appuyant sur des ballons stratosphériques pour apporter du réseau dans les endroits les plus reculés, et le Facebook Connectivity Lab oeuvrant dans le même sens ; mais à base de drones, laser, satellites et compression de données ; l’accès à cette manne d’information que constitue un réseau globalisé devrait in fine s’opérer territorialement à un niveau mondial.
Mais tout s’accélère. Internet, tel que nous le concevons aujourd’hui est en plein mutation. D’une part parce qu’il s’oriente vers de l’ubiquité ; omniprésent, accessible et disponible en tous lieux. D’autre part, parce que des projets secondaires sont en marche pour permettre la réalisation de réseaux communautaires sans fil comme dans le cadre du projet Commotion. Ce dernier permet ainsi l'interconnexion à du haut débit de façon ad-hoc entres différents équipements sans infrastructure, satellite ou matériel téléphonique. L’intérêt immédiat est de pouvoir créer des zones d’échanges de données cryptées et anonymes échappant à tout contrôle étatique. Très utile dans l’optique de mettre en place une cellule de coordination lors d’une catastrophe naturelle, ou en situation de conflit ; prêt des frontières notamment. Probablement utile également pour quiconque considère Internet comme une facette de Big Brother ; comprenez NSA ou problématique de sécurité récente avec des logiciels espions, par exemple français ou américains.
« In Technology Veritas »
Voitures, bracelets, montres, vêtements, maison, villes, faire en sorte que tout soit connecté ; c’est dans l’air du temps, les fabricants s’y attèlent. Mais il y aura très rapidement encore plus fort ; et ce via la réalité augmentée.
Certes Google a mis en pause son projet Google Glass à grande échelle, mais il travaille déjà sur une mouture 2. Quant à Microsoft, depuis l’annonce des Hololens capable d’enrichir la vision réelle par du contenu virtuel 3D avec lequel on peut interagir, c’est une attente trop longue qui se fait sentir pour tous les geeks. Mais il y en a d’autres, notamment Magic Leap qui a déposé de nombreux brevets sur le sujet. D’autres techniques vont encore plus loin que les simples lunettes 3D: l’université de San Diego, celle de Washington, l’école Polytechnique Fédérale de Lausanne, pour ne citer qu’eux, travaillent sur des lentilles à réalité augmentée ; l’armée américaine suivant de prêt ces projets.
Les autres sens ne sont pas non plus oubliés. Pour l’olfactif, il y a par exemple l’oPhone. Initié par David Edwards, professeur de biomédical à Harvard, ce boitier permet la réalisation de senteurs via la combinaison d’odeurs. Des microcapsules se libérant savamment pour reconstituer une odeur, 300 000 combinaisons étant d’ores et déjà possible. C’est expérimental, loin de retranscrire toutes les odeurs, mais il est déjà possible d’envoyer une odeur via SMS.
Pour le toucher, l’haptique (science du toucher) fait d’énormes progrès. Nous en connaissant les cas simples d’utilisation : les smartphones qui interagissent lorsque l’on appuie sur des touches virtuelles ou bien la manette qui vibre lors d’une explosion simulée dans un jeux. Mais ces technologies ont beaucoup évolué distinguant même la proprioception du retour de force ; le premier relatif à la sensation de la position du corps (kinesthésie); le second correspondant à une rétroaction que l’on a soit même généré.
Et bien devinez. HIRO (Haptic Interface Robot) ; mais il y en a d’autres comme CyberGrasp ; est une interface robotisée qui fait les deux : faire croire à votre main qu'elle touche du réel ! Se présentant comme un effet miroir à votre paume et vos doigts, vous positionnez ces derniers sur ceux du robot et vous voilà prêt pour une expérience virtuelle du toucher.
D'autres éditeurs se focalisent, eux, sur la sensation de texture. Peut-être verrons-nous apparaître des écrans de téléphones mobiles capables de nous faire avoir la sensation de certains matériaux. Et c'est précisément ce que Microsoft a déjà démontré avec son prototype.
Outre la réalité augmentée, il y a aussi la réalité virtuelle ; plonger l'utilisateur dans une immersion de sens ; sur laquelle il faut compter : Oculus Rift, Samsung Gear VR, bientôt au tour d'Apple et de Sony avec son Morpheus.
Entre les mains contrôlées par la pensée, des robots de surveillance de circulation, ceux qui se déplacent seuls de Boston Dynamics, celui qui apprend à écrire aux enfants, celui qui ne craint pas le feu et ceux qui feront l'accueil et le ménage dans un hôtel japonais ; notre avenir ne peut être que technologique.
« Bienvenu à Gattaca, faisons un Minority Report dans la Matrix avec notre i-Robot»
Sauf que notre monde s'apparente de plus en plus à un préquel de film futuriste à l'augure des plus incertains. La deuxième tentative de greffe de coeur artificiel Carmat a eu lieu, belle nouvelle ; mais il y a philosophiquement peut être plus inquiétant : un neurochirurgien italien qui estime possible sous peu une greffe de tête, l'intelligence artificielle (IA) qui peut apprendre seule puis battre l'humain ; et les spécialistes du domaine, notamment Bill Gates et Stephen Hawking, qui s'inquiètent des dérives possibles de l'IA.
Ajoutez un soupçon de génétique avec, pour ceux qui s'en rappelle, la congélation d'ovocyte chez Facebook et Apple (nous en parlions dans un article sur l'inégalité des salaires hommes/femmes dans l'informatique) qui doit permettre aux femmes de temporiser la nature afin de pouvoir se consacrer à leur carrière et enfanter quand elles le souhaitent ; indépendamment de l'âge.
Puis une pincée de Facebook et de sa ville "Facebook City". Le concept d'une entreprise favorisant l'accès au logement et infrastructure à ses salariés est récurrent dans un monde industrialisé, sauf qu'une drôle de sensation commence à poindre quand on pense à cette ville interconnectée ; l'hébergement d'une cité élite est-elle à craindre ?
La seule chose dont l'on puisse être certain, c'est que nous nous orientons vers le meilleur des mondes ; reste à savoir s'il tend vers une utopie ou vers une dystopie, comme le livre éponyme d'Aldous Huxley.