La dernière vie de Simon : du Amblin made in France
Vous en rêviez ? Léo Karmann et Sabrina B. Karine l’ont fait. Avec La Dernière Vie de Simon, les deux auteurs ont imaginé une histoire fantastique et créative qui puise ses références du côté de Steven Spielberg et Robert Zemeckis. Pour Weekly, ils nous racontent les coulisses de ce long métrage enthousiasmant en salle mercredi 6 février 2020.
Avec La Dernière Vie de Simon, Léo Karmann et sa coscénariste Sabrina B.Karine ont réussi l’impossible : réaliser un film fantastique français poétique et inspiré par l’univers d’Amblin, studio mythique des années 80, à qui l’on doit E.T., la trilogie Retour vers le futur ou encore Les Grimlins. Rencontre avec les deux auteurs de ce long métrage événement.
Weekly.fr : Est-ce que vous pouvez nous raconter votre parcours ?
Sabrina B. Karine (coscénariste) : J’ai toujours voulu être scénariste mais je n’ai pas fait d’école. Une fois mon bac S en poche, j’ai préféré partir à l’étranger au Canada à Vancouver. Là-bas j’ai travaillé sur beaucoup de tournages. J’ai fait un peu de tout, de la régie, de l’électro... Malheureusement, comme je n’ai pas obtenu de visa, j’ai dû rentrer en France. Mais je ne me voyais pas faire du cinéma en France, j’avais l’impression que ce n’était pas mon univers. Je suis alors partie au Etats-Unis... d'où je suis assez vite revenue car je me suis rendu compte que ça ne me plaisait pas.
Je me suis finalement installée à Paris un peu à reculons, puis ma rencontre avec Léo a tout changé. On a eu vraiment un coup de cœur artistique, on avait les mêmes références, les mêmes envies. On rêvait tous les deux d’un cinéma merveilleux à l’image des films américains avec lesquels on a grandi. En parallèle, j’ai travaillé comme scénariste sur des séries comme 10 %, Fais pas ci, fais pas ça ou sur le film Les Innocentes d’Anne Fontaine.
Léo Karmann (coscénariste et réalisateur) : Je suis issu d’une famille de cinéma puisque mon père est le réalisateur et acteur Sam Kermann et ma mère était une journaliste de cinéma. Pour autant, malgré leur soutien, j’ai toujours voulu trouver ma propre légitimité. J’ai fait une école de cinéma et dès l’âge de 20 ans j’ai commencé à travailler comme assistant mise en scène, scripte ou encore de casting sur des projets de ciné comme de télévision (Un Village français, La Conquête…). Puis j’ai commencé à vivre de mon métier de scénariste, notamment sur Kaboul Kitchen.
Weekly.fr : Comment est née l’idée de La Dernière Vie de Simon ?
Léo Karmann : Avec Sabrina, depuis longtemps on avait cette idée de faire un film qui se rapprocherait de l’univers du cinéma américain des années 80 et 90. Celui de Spielberg, Cameron, Zemeckis… On avait envie de rêve et d’évasion et pas d’écrire une histoire qui ressemblerait à la vie de nos voisins. Alors tous les deux on a cherché une idée qui serait réalisable en France. Notre histoire, celle d’un petit garçon qui peut prendre l’apparence des gens qu’il a touché, correspondait parfaitement à ce postulat. Cela ne coûte pas très cher comme concept, il suffit juste de trouver des acteurs différents ! Il ne nous restait plus qu’à trouver la bonne métaphore à développer.
Weekly.fr : Justement le cinéma fantastique est en réalité toujours une métaphore du monde réel. J’ai l’impression que La Dernière Vie de Simon parle d’amour, sous toutes ses formes. Est-ce que je me trompe ?
Sabrina B. Karine : Non vous avez raison. Notre idée était d’accompagner un personnage à travers les âges. Au départ, Simon est un orphelin privé de l’amour de ses parents qui ne rêve que d’avoir une famille. Puis en devenant adolescent, les choix qu'il a fait le privent cette fois-ci de l’amour de celle dont il est épris depuis toujours.
Weekly.fr : En France, votre film fait un peu figure d’Ovni. Comment avez-vous réussi à convaincre un producteur de vous suivre dans cette aventure ?
Léo Karmann : Ça a été un long combat qui a duré au moins huit ans ! On a eu des tonnes de refus : « On ne fait pas ça en France », « Pourquoi vous n’en faites pas plutôt une série Canal + ? », « On adore le scénario et on l’aurait fait mais avec un réalisateur coréen ». Mais à force de réécriture, de peaufinage, pour rendre ce scénario le meilleur possible, on a fini par tomber sur les bonnes personnes. Elles ont toutes eu un coup de cœur pour cette histoire. Si on veut faire évoluer le cinéma en France, je pense vraiment qu’il faut faire bouger les lignes.
Quand un réalisateur dit qu’il veut faire un film populaire, on lui répond automatiquement qu’il n’a qu’à faire une comédie. Nous on pense au contraire qu’il ne faut pas se limiter à une seule émotion. C’est un peu comme si on n’avait pas le droit d’avoir un minimum d’imagination. Le problème en France ne vient pas d’un manque d’idées ou d’envies des auteurs mais ce sont plutôt les décideurs qui bloquent.
Weekly.fr : La Dernière Vie de Simon a une esthétique bien particulière. Quelles références aviez-vous en tête et comment avez-vous envisagé l’univers de votre film ?
Léo Karmann : Comme pour l’écriture, on avait en tête les films Amblin mais aussi Super 8 de J.J. Abrams lui-même issu de cette culture. Mais autant pour le scénario, on s’était vraiment concentrés sur la cohérence psychologique des personnages, autant pour la mise en scène il fallait intégrer toute la dimension du merveilleux. Concrètement cela passe par des artifices, l’utilisation d’optique particulière. Pour la lumière par exemple, on a évité de la rendre trop naturaliste et misé plutôt sur une lumière " sensée ", autrement dit qui reflèterait les émotions que les personnages ressentent. Il fallait trouver un filtre pour rendre merveilleux le quotidien.
Sabrina B. Karine : Pour le décor, notre chef décoratrice a eu une idée toute simple mais efficace. Dans la chambre d’enfant, elle a retiré une couleur, le blanc. Le spectateur n’y fait pas vraiment attention mais pourtant cela crée malgré tout un sentiment d’étrangeté.
Weekly.fr : La musique a également une dimension importante dans votre film…
Léo Karmann : Oui, totalement, nous avons opté pour un jeune compositeur qui avait un peu les mêmes références que nous. Erwann (Chandon) est un fan de John Williams (Harry Potter, Star Wars) et partage ma passion pour la musique orchestrale. J’aime vraiment écouter les bandes originales de cinéma car c’est un moyen efficace pour se retrouver, plonger dans l’émotion d’un film qu’on a aimé sans avoir besoin de le revoir.
Weekly.fr : Quels sont vos projets pour la suite ?
Léo Karmann : On en a plein, sur des sujets complètement différents. Mais notre prochain projet ne sera pas fantastique.
Sabrina B. Karine : Il s’agit d’un biopic tourné en anglais qui racontera la vie de Mileva Einstein, la première femme du célèbre physicien Albert Einstein. Ça sera une grande histoire d’amour passionnelle et tragique qui racontera notamment le rôle essentiel que Mileva a eu dans la théorie de la relativité.
La Dernière Vie de Simon, de Léo Karmann
De quoi ça parle ? Simon, 8 ans, vit dans un orphelinat et rêve d’avoir une famille. Mais Simon a également un secret, il peut prendre l’apparence de toutes les personnes avec lesquelles il a un contact physique. Sa rencontre avec deux enfants, Madeleine et Thomas Durant, va tout changer.
L'avis de Weekly.fr : Et vous, que feriez-vous si vous pouviez changer d’apparence ? Voilà la proposition alléchante offerte par La Dernière Vie de Simon. Sans spoiler ce très joli film fantastique nourri au cinéma de Spielberg et de Joe Dante, on dira simplement que Simon, le héros du film, fait à chaque fois le choix de l’amour. Forcément, il se retrouve alors dans une situation périlleuse, prisonnier de son propre mensonge. L’ambiance, la musique, les comédiens… tout est réussi dans ce drame merveilleux qui ose sortir le cinéma français hors des sentiers battus. Même si on aurait peut-être aimé voir le concept de départ exploité de manière encore plus spectaculaire, difficile de ne pas tomber sous le charme de cette histoire d’amour déchirante.
Ma note : 4 / 5
EXTRAIT 2 Cabane - LA DERNIERE VIE DE SIMON réalisé par Léo Karmann en salle le 5 février 2020 from jour2fete on Vimeo.
Crédit photos : Jour2fête