Légion d'honneur au prince d'Arabie saoudite : et si Ayrault avait raison ?

L’info. La semaine dernière, François Hollande a remis la Légion d'honneur au prince héritier d'Arabie saoudite, Mohammed Ben Nayef, lors d'une discrète cérémonie à l'Élysée. Devant le tollé provoqué, c’est Jean-Marc Ayrault qui a tenté de justifier cette décoration sur les ondes de France Inter, hier. Mais les explications du nouveau ministre des Affaires étrangères n’ont guère convaincu. Bien au contraire.

Les arguments. Jean-Marc Ayrault a expliqué qu’il s’agissait d’une "tradition démo… euh, diplomatique". Le ministre des Affaires étrangères a tout de même admis qu’il pouvait "comprendre" les réactions négatives, mais il a tenu à rappeler que François Hollande avait reçu la décoration suprême du royaume lors de sa visite en Arabie saoudite et que le partenariat entre les deux pays était important, notamment dans le conflit syrien.

Pourquoi ça dérange ? Parce que l’Arabie saoudite n’est pas connue pour respecter les droits de l’homme. Depuis le début de l’année, le pays a exécuté 70 condamnés à mort. En 2015, 153 personnes ont été exécutées en Arabie saoudite. De plus, le pays est vivement critiqué pour ses frappes aériennes au Yémen. D’ailleurs, le Parlement européen a adopté à une large majorité une résolution demandant un embargo sur les livraisons d'armes à l'Arabie saoudite, il y a une dizaine de jours. Ce qui dérange également est l’attitude de François Hollande. Il est accusé d’avoir décerné cette Légion d’honneur en catimini. En effet, la présidence n’en a pas informé les médias. C’est l'agence de presse saoudienne SPA qui a vendu la mèche et mis le feu aux poudres.

Quel étranger peut recevoir la Légion d’honneur ? Pour rappel, la Légion d'honneur a vocation à "récompenser les citoyens les plus méritants dans tous les domaines d'activité". Parmi les 3.000 personnes distinguées chaque année, 400 sont étrangères. Il s’agit de ceux qui "ont rendu des services (culturels, économiques…) à la France ou encouragé des causes qu’elle défend (défense des droits de l’Homme, liberté de la presse, causes humanitaires…)". C’est ce qu’on peut lire sur le site de la Grande chancellerie de la Légion d’honneur. On y apprend cependant que "Les visites d’État sont également l’occasion d’attributions de la Légion d’honneur aux personnalités officielles, faites au titre de la réciprocité diplomatique et soutenant ainsi la politique étrangère de la France". Ce sont donc les critères d’attribution qu’il faudrait revoir…

Les réactions. Florian Philippot, le vice-président du FN, a tweeté : "Doit-on parler de Légion du déshonneur" ? De l’autre côté de l’échiquier politique, Jean-Luc Romero, conseiller régional d'Ile-de-France apparenté PS, s’est lui aussi révolté sur le réseau social : "Comment accepter que le prince héritier d'#ArabieSaoudite reçoive la Légion d'honneur du pays des Droits de l'homme" ? Chez EEVL, Julien Bayou a fustigé la façon de faire : "C'est honteux, tout simplement. Le fait que ce soit fait en cachette renforce l'aspect honteux".

Vu de Twitter. Il n’y a pas que les politiques qui ont été choqués. Les Français ont largement commenté la nouvelle sur Internet.

Beaucoup ont également salué le billet de la chroniqueuse Sophia Aram. "S'il vous restait une petite guillotine ou deux, ça ferait un beau cadeau à faire à notre ministre de l'intérieur" a-t-elle suggéré à Jean-Marc Ayrault… habillée en burqa ! À (ré)écouter.