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Migrants : les tests osseux non conformes à la Constitution ?
Jeudi, le Conseil constitutionnel s’est prononcé sur la question prioritaire de constitutionnalité des tests osseux pratiqués sur les jeunes migrants. Alors ces tests sont-ils, ou non, conformes à la Constitution française ?
Flickr/CC/Ebony Black
L’histoire d’Adama
Adama S. est Guinéen. Il arrive en France en 2016. À l’époque, ce jeune migrant dit avoir 15 ans et est pris en charge par l'Aide sociale à l'Enfance. On lui demande alors de se soumettre à tests osseux, une pratique fréquemment utilisée dans les pays européens pour déterminer l'âge des jeunes migrants à leur arrivée sur leurs territoires. Adama S. refuse. En 2017, un juge pour enfant estime que ce refus est une preuve de sa majorité et lève son placement auprès de l'Aide sociale à l'enfance. Adama S. fait appel et accepte les tests osseux. En juillet, la cour d'appel de Lyon estime son âge entre 20 et 30 ans. Adama S. forme un pourvoi en cassation, enclenchant la procédure devant le Conseil constitutionnel.
L’enjeu ?
En France, il est prévu qu'un mineur étranger de moins de 18 ans et sans représentant légal doit être pris en charge par l'Aide sociale à l'Enfance. En cas de doute, la personne est présumée mineure. C’est ce qu’on appelle "la présomption de minorité". Or, les tests osseux sont considérés comme des expertises judiciaires qui lèvent cette présomption de minorité.
Les tests osseux
Utilisés par de nombreux pays, les tests osseux consistent à estimer l’âge d’une personne en faisant une radio de la main gauche et du poignet, de la clavicule et des dents. Les données sont ensuite comparées avec un atlas dit "de Greulich et Pyle" qui constitue un référentiel et compile des radiographies prises entre 1931 et 1942 sur des enfants américains de milieux aisés, et en bonne santé. Dans le cas d’Adama S., les radios effectuées n’ont pas donné des résultats concordants. Selon son avocate, la radio de la main gauche indiquait qu’il s’agissait bien d’un mineur, tandis que celles de la clavicule et des dents lui donnaient plus de 25 ans.
Des critiques
En France, si la minorité ne peut être prouvée après un entretien et la vérification des documents d'état civil, un examen osseux peut être réalisé, mais seulement avec l'aval de l'intéressé. Dans les faits. Car en pratique, refuser ces tests est bien souvent considéré "comme une présomption de majorité". Ils sont également vivement contestés depuis de nombreuses années pour leur manque de fiabilité. Jugés obsolètes, ces tests osseux laissent apparaître une marge d’erreur de 4 à 6 ans selon une étude citée par la Société européenne de radiologie pédiatrique, qui a donc affirmé "ne pouvoir recommander l'usage" de cette méthode. Le Défenseur des droits, l’ordre des médecins, le Haut conseil de la santé publique, le comité des droits de l’enfant de l’ONU, le Syndicat de la magistrature ou encore Médecins du monde se sont prononcés contre. En Angleterre, l’examen osseux a été abandonné.
La décision du Conseil constitutionnel
Jeudi dernier, le Conseil constitutionnel a estimé que les tests osseux étaient conformes à la Constitution française, en raison des garanties que présente l'article 388 du Code civil.